Publication and research

Back from Colombia : behind-the-scenes insight

Oeuvre dans l’exposition de Kader Attia, MAMBO, Bogota. 24 octobre 2024 – 9 février 2025

These weeks in Colombia have worked to bring about this necessary decentring for me. Everywhere there was this immense imbalance between the before and after of colonisation, and my viewpoint was just as steeped in moralising prejudices. In short, my ‘place’ as a well-to-do European wanderer in this country was constantly being thrown into the abyss.

Countless slaps in the face, countless ways of deconstructing prejudices and quietly trying to transform myself into a ‘simple’ observer: just listening when I see ancestral practices in the Amazon that we would disapprove of, and observing how these practices fit into the wider system. Fragile resistance in the face of major global transformations.

And when in Bogotá, at Mambo, I discover mediation systems that encourage connection and the strengthening of intuition, I think of ‘our’ Swiss history of mediation. Between 2009 and 2012, Pro Helvetia’s ‘cultural mediation’ programme was instrumental in sparking a nationwide debate on the relationship with audiences, so as to demonstrate the effects and ‘impact’ of the public funds invested in culture. I therefore see this as a welcome reorientation of cultural policies, after decades of focusing on developing the ‘cultural offer’.

Education and skills

In the early days, most initiatives focused on cognitive issues (learning, understanding); mediation, for short, was at the service of education and training. Since then, the initiatives have happily diversified, aiming to broaden the range of skills, from knowing how to do things to knowing how to be. You only have to look at the evolution of the skills identified by the WEF[1] to see that a profound transformation is underway. While analytical thinking remains No. 1, resilience, flexibility and agility are No. 2, followed by creative thinking, motivation and self-awareness. But how do you cultivate these skills?

This is where I was struck by the boldness of the mediation programme at MAMBO, the Museum of Modern Art in Bogotá, which offers schemes to encourage connection and self-esteem, in particular by strengthening our intuition.

Tarot

The TAROT educational project aims to familiarise participants with this ancient game, exploring our intuition by playing and drawing tarot cards. ‘With this device, you can familiarise yourself with an esoteric experience by connecting to your inner sensitivity, explore your destiny or that of others, or learn about spirituality, vitality, power and desire’ (Deepl), a whole range of skills fundamental to self-awareness, empathy and active listening (7th place on the WEF list).

ReparaRenacer

Kader Attia, ReparaRenacer

The aim of Kader Attia’s exhibition ‘Repararenacer’ (repair / rebirth) is to work on historical reconciliation: ‘What are the historical wounds on a political, social or cultural level? How can we collectively repair our historical and cultural wounds? How do we live with colonisation today? In a continent where reflections on decolonisation are only just beginning, mediation and, more broadly, the attitudes of certain institutions are part of the slow, delicate weaving of new links with pre-colonial history.

At Bogotá’s National Museum, whose museography has adapted to new critical approaches to the country’s dominant history, director Liliana Angulo invites us to reflect on the restorative role of museums for ethnic peoples (pueblos etnicos) (see the article in El Espectador, 7.1.25).

So, of course, the question arises for Europe, and of course for Switzerland: do we have ‘our’ historical or cultural wounds? If so, what are they? This theme of reparation is also dear to us at the Foundation for Initiatives of Change, particularly through the Trustbuilding Program project, given that over several decades the Foundation has developed unique expertise in this field, inviting other approaches to cultural mediation.

Art education and connection

Discovering mediation tools that give free rein to intuition, intimacy and our inner and spiritual lives, which pre-Hispanic cultures are imbued with, opens the way to a mediation that is necessarily diverse and fertile, resonating constructively with possible societal failings; it would encourage the need to renew social ties, explore emotions, the need for sensory experiences in relation to the virtualisation of our relationships, etc. In short, isn’t mediation a way of adding sensitive strings to our bow to live and survive in a VUCA society? In short, isn’t mediation a way of adding sensitive strings to our bow in order to live and survive in a VUCA society? And reclaim a domain often monopolised by an assortment of offerings of often dubious value?

#arteducation #prohelveti #participationculturelle #arteafrodescendiente #mambobogota #reliance #connection

[1] The Future of jobs Report, WEF, 2025, https://www.weforum.org/publications/the-future-of-jobs-report-2025/digest/ consulté le 8 février 2025.

Expérience muséale enthousiasmante à Anvers !

De retour de Belgique, je me réjouis de partager cette expérience vécue au Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers (KMSKA) avec vous. Alors que les critiques sur le relativisme culturel s’opposent toujours aux constats que la culture subventionnée reste hélas l’apanage des plus instruits, que la relance post-covid peine à se réaliser, un voyage dans le KMSKA d’Anvers (Belgique) montre qu’exigence et expériences ludiques peuvent aller de pair, et ce au grand bonheur des visiteuses et des visiteurs.

 

Premières impressions …

Un espace spécifique, tout en hauteur, pour accueillir l’oeuvre de Boy et Eric Stappaerts _ https://boyerikstappaerts.com/

Je n’avais pas prévu de me rendre dans ce musée mais en passant devant ses portes imposantes (le bâtiment historique date de 1890) je vois une foule qui se précipite… Intriguée… je décide d’entrer aussi. On pénètre dans ce bâtiment historique impressionnant par le sous-sol, réaménagé dans des lignes très sobres et blanches. Toute l’expérience doit beaucoup à cette rénovation radicale du bâtiment historique (réouverture en septembre 2022) par le bureau des architectes Kaan ; leur travail a notamment été guidé par les différents types de luminosités nécessaires pour la mise en valeur de la collection. Tout en préservant les espaces centraux comme le hall d’entrée prestigieux et certaines salles, les architectes ont cependant remodelé une partie du bâtiment. De grands puits de lumière traversent en hauteur le bâtiment, permettant de donner de l’espace, de la luminosité et du volume à certaines salles. D’autres espaces, consacrés aux œuvres petites et fragiles, nécessitant davantage d’intimité, ont été réduits de manière à focaliser l’attention du visiteur.

 

Une attention accordée à un « voyage muséal » fluide et surprenant

A l’entrée, donc, pas de desk d’accueil : un agent nous invite à prendre le billet au distributeur automatique, très convivial et simple à utiliser. Billet en main, je poursuis ma visite : un petit café, au sous-sol, désigné très agréablement avec beaucoup d’intimité et de confort, invite à prendre une petite boisson et snack, alors qu’un magnifique restaurant, au rez, plus grand, propose des repas. Au sous-sol se trouvent aussi les vestiaires, d’agréables espaces où s’asseoir ; s’y trouve aussi le desk organisant les visites guidées On accède au rez-de-chaussée, entrée historique, par un escalier en colimaçon.

Dans le hall historique, un « piano dans les musées » résonne au gré des talents et des humeurs des visiteurs et visiteuses, créant d’emblée une ambiance joyeuse entre les « performeurs » et les visiteurs qui s’installent naturellement sur les marches et autour du piano.

 

Le défi d’un laboratoire d’expérimentations

Que ce soit à travers le site Internet ou l’expérience de la visite, le KMSKA est pensé de manière à intriguer, surprendre et renouveler l’expérience visiteur au gré des différentes atmosphères. Les accrochages, tout d’abord, sont réalisés selon une approche thématique. Sans m’attarder sur les débats suscités depuis une vingtaine d’année sur les méthode de présentation et de classement des œuvres dans les collections permanentes des musées, (Moma, Tate, Pompidou etc.), force est cependant de constater que ces juxtapositions apportent ici une fraîcheur et déploient de nouveaux imaginaires et associations, ceci alors que les références en histoire de l’art des visiteurs s’amenuisent, voire se perdent.

Deux Christs : James Ensor et Albrecht Bouts

Par exemple, dans la salle dédiée à la représentation de la souffrance, un Christ de James Ensor côtoie celui d’Albert Bouts, artiste du 15eme siècle, révélant les interprétations semblables et pourtant singulières des deux artistes, leurs techniques respectives… Ensuite pour susciter l’intérêt des plus jeunes et à satisfaire leur besoin tactile et expérientiel, le KMSKA a sollicité un scénographe, Christophe Coppens, pour insérer dans le musée dix installations inspirées par des œuvres (« Les Dix »). A travers cette dimension sensorielle (cavernes, fauteuil en peluche, installation aux murs, etc.) s’instaure une nouvelle perception du lieu pour les enfants – et tous les publics au final !

 

 

Autre projet offrant une nouvelle expérience : la salle immersive qui permet de découvrir, grâce à des images mouvantes projetées 360 degrés, des détails d’œuvres accrochées à l’entrée : des plumes virevoltes, les bijoux que l’on ne voit pratiquement pas à l’œil nu dévoilent soudain toute leur beauté et la subtilité de leur facture. Plus loin encore, une salle est dédiée à la réalité virtuelle, permettant de découvrir l’Atelier de Rubens.

Un musée ouvert aux artistes

Pas de yoga nudiste dans le KMSKA ; cependant, des projets permettant aux artistes de prendre possession de ce lieu et d’y présenter leur regard : en décembre, c’est le collectif international Peeping Tom, habitués à présenter leurs spectacles dans des espaces surprenants, qui proposait une performance dans les différents espaces du musée en dialogue avec les collections : Sold out ! Autre projet participatif : Radio Bart qui propose de découvrir tous les mercredis une œuvre à travers la perception de Bart, un employé malvoyant du KMSKA qui a conçu ce programme pour « Regarder autrement et voir davantage avec Radio Bart ». A cela s’ajoutent les résidences d’artistes provenant de toutes disciplines artistiques qui proposent des regards alternatifs sur la collection.

 

Crypto, participation et dialogues

Le KMSKA est le premier musée au monde à proposer des investissements en Art Security Tokens. Ainsi, une œuvre d’Ensor est proposée à l’achat. Autre projet invitant à la participation, l’Expo Nationale : chacune et chacun peut proposer une œuvre, que ce soit de la peinture, du graphisme ou une installation en réponse à une œuvre donnée de la collection. Cette année, c’est une œuvre de Rubens qui titillera la créativité du public. Lorsque je consulte le site, près de 2500 œuvres ont déjà été produites et près de 134 000 votes faits ! 100 œuvres seront ensuite sélectionnées en fonction de leur popularité et des critères d’un jury avant d’être exposées sur place et présentées sur le site Internet du musée.

 

Un musée en route vers de nouvelles fonctionnalités

Au sortir de ce musée, dans lequel je suis restée bien plus longtemps que prévu, j’ai le sentiment que mes sens les plus variés ont été aiguillonnés. Le KMSKA illustre bien la thèse de l’horizontalité, qui remplace la verticalité d’antan : si les contenus restent heureusement au centre du projet curatorial et artistique, ils sont intelligemment mis en dialogue et en discussion avec les publics. Expérience joyeuse, enthousiasmante et inspirante !

 

Les défis actuels des politiques culturelles. Quelques réflexions en temps de crise.

Je saisis cette occasion pour partager avec vous en ces temps singuliers quatre idées suscitées par cette situation, d’autres venant de mon voyage sabbatique en Asie et Australie ainsi que de mes lectures et observations. Ce ne sont en l’état que des  impressions encore peu conceptualisées que  je me réjouis de discuter avec vous. Pour illustrer cela, quoi de mieux que cette image de l’installation superbe de Pauline Curnier Jardin, à l’Arsenal, au cours de la Biennale 2017.

Pauline Curnier Jardin, Biennale de Venise 2017

  • Je suis persuadée que l’économie solidaire, sociale, du partage sera une source d’inspiration et de soutien important pour la culture au cours des prochaines décennies. Concrètement, cela implique des ressources hybrides (ressources marchandes, redistribution, contributions volontaires, troc et échanges), la non lucrativité, une gouvernance démocratique, une gestion responsable, des écarts de salaires limités, égalité professionnelle entre hommes et femmes, le développement durable et la coopération plutôt que la compétition. Autres conditions possibles d’une économie solidaire : une interventions sur des territoires délaissés, une participation et une pratique amateur accessible à tous, une attention accordée à la diversité (générations, communautés, genres, territoires), une gouvernance démocratique, où la diversité des points de vue est représentée, emplois partagés, logiques de solidarité, de réciprocité, de mutualisation de matériel, de compétences, initiatives citoyennes et des processus de co-construction. Autant de paramètres qu’il ne tient qu’à nous d’intégrer ou d’implémenter au fur et à mesure.
  • En Australie et à Singapour en particulier, j’ai découvert l’attention extrêmement importante accordée aux communautés culturelles “Community Art” (comme cela se pratique aussi dans d’autres pays anglophones) , donc des pratiques participatives dans différentes formes artistiques pensées et réalisées par différentes communautés, parfois seules, parfois avec des artistes professionnels. En étudiant les rapports d’activités et les bilans des grandes compagnies de  théâtre et en observant leurs programmes, j’ai réalisé qu’il y avait deux “univers” : le ticketing et et les projets communautaire gratuits répartis pratiquement à 50 % des ressources. Le premier impliquait des projets que nous voyons sur nos scènes, des productions subventionnées, avec des artistes confirmés, parfois des “stars”, ce qui permet de proposer des tarifs relativement élevés. Le reste est consacré aux projets communautaires avec des artistes professionnels évidemment. Bien que je doute de la pertinence de cette césure entre “ticketing” et gratuité, j’ai été touchée – en y assistant ou participant – à l’énergie et à la beauté de ces activités dédiées aux communautés ainsi qu’à leur véritable rôle de médiation “à double sens” : tous apprennent les uns des autres.
  • La crise du Coronavirus ainsi que le bouleversement apporté par le débat sur le climat vont transformer notre rapport à la diffusion et plus largement aux collaborations internationales. Il s’avère que nous ne pourrons plus ainsi envoyer à tout va des artistes sillonner le monde d’un festival à l’autre, d’une résidence à l’autre. Cela affectera nos festivals ainsi que nos artistes. A nous d’inventer aujourd’hui une politique d’échange et de diffusion fondée sur de nouvelles relations : je vois ici l’opportunité de revenir à un ancrage plus local, mais aussi de développer des projets de collaborations internationales fondés sur une véritable intégration longue durée dans un territoire donné. On peut aisément imaginer les transformations que cela impliquera sur l’offre festivalière et culturelle mais le jeu en vaut la chandelle.
  • Last but not least, le thème qui noue en gerbe ces trois réflexions est la fragilité socio-professionnelle de plus en plus frappante du milieu culturel. Au cours des dernières décennies, avec l’augmentation des subventions publics et le soutien du secteur privé, nous avons massivement développé l’offre culturelle, et contribué ainsi à une fragmentation des contrats de travail. Comme le coronavirus dont l’effet est décalé, nous allons dans les prochains temps mesurer les effets de ces politiques en observant les ressources dont bénéficient les artistes, les actrices et acteurs culturels à la retraite. Il est fort à parier que les politiques culturelles devront alors s’appuyer sur les politiques sociales.

Sous les pavés, la scène. L’émergence du théâtre indépendant en Suisse romande à la fin des années 60. PhD

This thesis examines the way in which the independent scene developed in French-speaking Switzerland and how, from then on, cantonal and communal cultural policies were led to define themselves more precisely and to deploy new support instruments that did not exist at the time, such as support for the artistic production for independent companies. The tensions between established culture and alternative culture, caught between the desire to be recognised and the desire to overturn established norms, also became apparent.

Sous les pavés, la scène

Business models

The concept of the business model has been widely taken up over the past two
decades. This is due to the value of its holistic approach to organization, which opens
up many opportunities for innovation, as much in terms of value propositions as of all
the other aspects that make up a business model (distribution, client relations and
segmentation, resources, activities, and key partners). In the cultural sector, which
follows both market and public service logic, current reflections on this subject have
chiefly focused on managerial optimization. This article considers the transferability of
certain business models to the cultural sector, particularly in cases that challenge the
organizational creativity of cultural institutions. Attention is paid to how this may open these organizations to new opportunities, embedding them more actively in their cultural and social ecosystems, and developing projects that build on their intrinsic and extrinsic value (social innovation and cohesion, civic participation, creative economy, etc.).

Sutermeister_Business models_ENCATC_2018

Genève 1968, deux spectacles en prise sur l’actualité

Cet article analyse deux spectacles aux antipodes et qui pourtant témoignent parfaitement des esthétiques théâtrales de la fin des années 60 : “Le Chant du Fantoche Lusitanien”, de Peter Weiss, mis en scène par François Rochaix, et “Quo Vadis”, création collective des Tréteaux Libres. Genève années 60.

Sutermeister_Genève 1968 Deux spectacles. Sutermeister, Sondierungen, Dix contributions à l’histoire du théâtre en Suisse, Chronos Verlag_Bern, 1995. 

Aux limites du fédéralisme

Ce  numéro spécial consacré au théâtre en Suisse romande, daté de 2012, préfigure le déploiement extraordinaire des créations issues de cette région dans les arts de la scène en Europe. Il retrace les efforts mis en place sur le plan de la politique culturelle, identifie aussi les faiblesses et les améliorations possibles pour faire rayonner les productions romandes au-delà des frontières helvétiques.

Sutermeister_Limites_federalisme_Mouvement_2012

Les défis de la recherche en art et en design en Suisse. Un cas d’école : La HEAD-Genève

L’article, rédigé avec Lysianne Léchot Hirt et Jean-Pierre Greff, présente les spécificités de la recherche en art et en design, les met en relation avec les critères de la recherche scientifique  “traditionnelle”, dégage les paradoxes et les frictions constructives, et donne des exemples concrets de recherches réalisées à la HEAD-Genève.

Sutermeister_Les_defis_de_la_recherche_2017

L’auteur, déclencheur et créateur de contemporanéité. Entretien avec Mathieu Bertholet

Au cours de cet entretien avec Mathieu Bertholet, nous esquissons les rôles possibles qu’un auteur peut adopter au sein d’un théâtre. Au-delà de l’écriture et de la dramaturgie, il s’agit d’examiner de nouvelles pistes d’action dans le quotidien institutionnel pour que l’auteur puisse contribuer à l’identité du théâtre.

Sutermeister_auteur contemporain_Autruche-Comedie GE